Voici la rédaction d'Alix... Il s'agissait d'inventer la suite d'une nouvelle fantastique de Théophile Gautier, Le pied de momie, dans le cadre d'une séquence sur la littérature fantastique. Je vous suggère de prendre le temps de lire.
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Nouvelle fantastique
Le narrateur est entré chez un brocanteur. Le marchand lui demande s'il va lui acheter quelque chose.
« Je voudrais une figurine, un objet quelconque qui pût me servir de serre-papier, car je ne puis souffrir tous ces bronzes de pacotille que vendent les papetiers, et qu'on retrouve invariablement sur tous les bureaux. » […] J'hésitais entre un dragon de porcelaine tout constellé de verrues, la gueule ornée de crocs et de barbelures, et un petit fétiche mexicain fort abominable, représentant au naturel le dieu Witziliputzili, quand j'aperçus…
Théophile Gautier, Le Pied de momie, 1840
... quand j'aperçus un bloc d'ambre dans lequel était emprisonnée une araignée.
Je m'approchais pour mieux voir. A travers les reflets dorés, faisant penser aux caramels que l'on m'offre chaque année à mon anniversaire, l'on voyait une mygale velue, grande avec une multitude d'yeux. Alors que je me penchais un peu, je vis, détail étrange, comme une sorte de ruban de velours noué autour d'une patte de l'araignée. Il paraissait brun à travers l'ambre, mais j'aurais pu affirmer sans aucun doute qu'il était de couleur rouge.
Cet objet m'intriguait fortement et je décidai de l'acquérir. Le brocanteur paraissait fort heureux de mon choix, comme s'il eut voulu s'en débarrasser. Je le payai 30 francs, somme fort raisonnable étant donné la valeur de l'objet.
On me l'emballa dans un carré de papier de soie gris sombre et je le ramenai chez moi. Je l'installai sur mon écritoire et m'assis sur mon fauteuil pour l'admirer. Il rendait du plus bel effet et un rayon de soleil pénétrant dans la pièce projetait l'ombre de l'araignée, délicatement découpée, sur le mur.
J'imaginai alors la vie de cette araignée, dans une somptueuse forêt vierge, avant qu'elle ne soit recouverte, il y a très longtemps, d'ambre et que sa vie soit coupée, paralysée, brusquement. Puis la découverte, dans un rocher, au pied d'un arbre et le périple de ce bloc d'ambre à travers la forêt, l'embarquement sur un bateau, bravant l'océan et ses dangers… J'imaginai un explorateur admirant le bloc, le contemplant… une cabine peuplée de curiosités auxquelles viendrait s'ajouter cette pièce…
Puis l'achat par une noble famille, l'abandon dans un grenier, la vente de la demeure et enfin, l'exposition par le brocanteur…
Et soudain, à cette douce rêverie, se superposent de sombres visions : éclairs, cris, nuit profonde, vieux châteaux hantés et rires étranges…
Je me secouai. Je sortis de cet état étrange avec une impression de rêve prémonitoire ou d'avoir découvert la vraie histoire de l'objet. Je gardai encore quelques instants un sentiment de peur, puis je décidai de n'accorder à ces visions pas plus d'importance que cela. Après tout, il était habituel que mon imagination s'emballe.
Le soleil ne projetait plus ses rayons dans la pièce. En regardant par la fenêtre, je constatai qu'il se couchait. Étais-je donc resté tellement longtemps absorbé par la contemplation de ce bloc d'ambre pour que ce soit déjà le crépuscule ?
Je dînai rapidement et décidai de ne pas sortir ce soir là. Je n'avais aucune envie de participer à des mondanités dans quelque réception.
Je montai donc rapidement me coucher, non sans avoir jeté un dernier regard sur cette curieuse araignée enfermée avec un ruban autour de la patte.
Je fus tiré de mon sommeil par un léger bruit de pas. De petits claquements. Je ressaisis rapidement mes esprits. Seraient-ce des cambrioleurs ? Je ne suis pas riche, que pourrait-on me voler ? Alors que les bruits augmentaient de volume je sentis mes entrailles se nouer…
Cloué dans mon lit, sans pouvoir esquisser le moindre mouvement, je tendis l'oreille. J'écoutai mieux et m'aperçus avec surprise que l'on aurait dit des pas de danse, comme une valse effrénée se déroulant dans mon salon. Tap, Tap, Tatap, Tap… Tap, Tap, Tatap, Tap… J'entendis alors, comme le son aigu d'un diapason, l'horloge sonner la minuit. Aussitôt, la danse, ou que sais-je, redoubla d'ardeur, alla de plus en plus vite. Je sentis des coups sourds sur le plancher, les meubles tremblèrent… Cette fois-ci, on eut dit que l'on marchait au plafond !
Et enfin, le silence. Mais ce silence était si lourd, si oppressant et inquiétant qu'il me glaça le sang. Qu'allait-il se passer, maintenant ? Ce moment terrible était-il bel et bien fini ? Et si tout cela n'était qu'un rêve… ?
Mais je sus alors avec certitude que ça n'en était pas un. Car les coups avaient repris, plus forts encore ! Je n'osai toujours pas me lever et aller voir… Un long grincement se fit alors entendre. Comme une fenêtre dont les gonds seraient mal huilés. Puis plus rien. De nouveau, le silence. Mais moins oppressant, plus léger. Inquiet, me croyant tout de même dans une sorte de cauchemar, je parvins à me rendormir malgré tout.
Je me réveillai une seconde fois, sans que j'en susse la raison au premier abord. En effet, le silence était complet. Mais bientôt, un long gémissement retentit. Je sentis mes cheveux se hérisser. Mon cauchemar se poursuivait-il ? Étais-je victime de sons fantômes ? Le gémissement gagna en intensité puis finit par mourir dans la gorge de celui qui le produisait. En même temps, une sorte de claquement souple brisa le silence. Le claquement de la fenêtre ? Trop léger. Le bruit d'une aile, frappant l'air ? Je me surpris moi-même par cette pensée. Étais-je en train de devenir fou, pour imaginer qu'une créature ailée se trouvait dans mon salon ?
Puis j'entendis des pas. Des pas d'homme, étrangement rassurants. Pétrifié, j'essayai d’esquisser un mouvement. Quand enfin, je maîtrisai la terreur grandissante en moi pour me diriger en tremblant vers la porte, ce fut pour m'apercevoir qu'elle était fermée. Dans l'obscurité, je cherchais à tâtons la serrure, mais la clé n'y était pas. Or je ne l'enlève jamais de la porte, et ne ferme de toute façon jamais cette dernière.
Épouvanté, je perçus tout d'un coup un crissement, juste de l'autre côté de la porte. Non, sur la porte elle même ! Comme le raclement d'un ongle…
En deux enjambées, je fus dans mon lit et me répétait comme une litanie : la porte est fermée, la porte est fermée…
Soudain, terrassé par l'angoisse et aussi par une sorte de force surnaturelle, je m’affaissai sur mon matelas, mes yeux se fermèrent sans que j'eusse guidé ce mouvement.
Un souffle chaud balaya mon visage, puis tout fut noir.
Le soleil entrait à flot dans la chambre. Nous étions le matin. Les événements de la nuit me revinrent soudainement avec précision. Je me levai dans un élan, sans prendre garde à la douleur fulgurante à mon cou. Je me ruai sur la porte. Elle s'ouvrit sans problème et je constatai que la clé était glissée dans la serrure.
Je descendis précipitamment l'escalier.
Je ne remarquai rien tout d'abord. Tout était en ordre. Mon regard se posa alors sur le bloc d'ambre posé sur mon écritoire. Il était intact, lisse, brillant, rectangulaire. Mais l'araignée avait disparu ! Elle avait laissé comme un espace vide, elle n'était plus là !
Stupéfait, je baissai les yeux vers le sol et là je trouvai un long ruban rouge, long de plus d'un mètre !
Apeuré, je portais soudain ma main à ma gorge, où je remarquai enfin ma douleur. Sous mes doigts, je sentis deux petits trous, pas très profonds mais qui saignaient. Une créature… Une créature… m'avait prélevé du sang !
Mon regard passa du bloc d'ambre vide au ruban rouge. Tout avait démarré avec cet achat. Je passai en revue les événements de la nuit, de la danse effrénée au souffle chaud sur mon visage. J'étais alors convaincu d'avoir été victime du charme étrange de l'araignée.
Alix Mundinger, 4ème 2